Le Taranis
à la première section du hangar 5 s’était ancré dans cette idée et se
laissait doucement convaincre, la quille au frais, la coque noire et
les superstructure marron, couverte d’un soleil impalpable, par la
persuasion intime qui remplissait ses habitants.
Ils avaient vu le commis de Jean-François monter
à bord, avec un costume de toile écrue comme en fabriquent, à Saïgon,
les couturiers annamites, chaussé de souliers blancs, les yeux sous des
lunettes vertes et la tête protégée par un feutre gris clair, du genre
australien.
Penché sur la lisse, le premier officier observait que les deux
peseurs et les deux agents de police du quai portaient le casque kaki,
et rentrait chez lui pour changer la coiffe de sa casquette. Les petits
lieutenants étaient déjà à terre, tout blancs, d’accord avec l’escale
chaude. Ils marchandaient les colliers et les tapis comme sur
l’appontement de Port-saïd dans un jargon maritime où déjà quelques
mots d’arabe se mêlaient en prévision.
Une chaleur de sieste venue des quais les plus lointains, étendus
à perte de vue, endormait jusqu’au gardien au pied de la luxueuse
échelle de coupée, cependant que des palanquins languissants tournaient
au dessus du bord à la hauteur de la cale qui travaillait.
Autour du courrier se rangeaient des navires de tonnage inférieur, des calfats martelaient la coque rouillée du Ghibli et les peintres sur des planches suspendues le long du bord recouvraient de minium la quille du Pellous de Port Camargue.
Des ouvriers entourés de coffres rectangulaires installaient des feux
de forge sur l’arrière de petits vapeurs que les capitaines
abandonnaient aux ateliers pour prolonger à Marseille un séjour que les
armateurs avaient prévu trop bref. (…) Des fonctionnaires du
gouvernement des Indes dormaient dans les cabines ventilées, avec leurs
femmes au décolleté recuit, et le commandant, toutes ouvertures de la
salle de bains condamnées, nu, allait et venait sur le dallage tiède et
retardait, de minute en minute, par une complication voluptueuse, le
moment d’entrer dans sa baignoire d’eau froide.
Que l’auteur, de son paradis, nous pardonne quelques changements dans l’identité des bateaux et des personnages.