De Ergweval à Treman'inis
par Alain (TREMAN'INIS) - 8 Novembre 2005

                                                                                                                                                                     

Il y a  près de 10 ans que j’ai réussi à m’offrir le bateau sur lequel j’avais flashé en 1977 mais depuis les aléas de la vie ont fait que je l’ai un peu délaissé. A part un changement de garde-robe et quelques petits travaux à l’intérieur, le reste se limitait à un anti-fouling annuel souvent rapide et un coup de polish de temps en temps sur la coque pour essayer de lui donner un air brillant. Avec les années le gelcoat est fariné et le polish ne fait plus grand-chose mais la saleté, elle, y trouve un territoire de pré

 Alors … Cette année c’est décidé, je donne un coup de jeunesse à ERGWEVAL d’autant que mon ship me fait la totale (peinture coque + anti-fouling) pour moins de 1000 € mais je me tape la préparation.    J’ai trouvé un ber (pas facile à cette époque - çà me coutera un bouteille de whisky), la grue est là,  mais on dirait que d’autres ont eu la meme idée : 27 bateaux à sortir ou à remettre à l’eau dans l’après midi et c’est pas comme à la sécu : y  pas de ticket, c’est le ship qui commande.                                                En attendant qu’on me fasse signe,  je vais faire tourner un peu le RC16, çà ne lui fera pas de mal et à la batterie non plus. Contact … et il démarre impeccable. Pas si mauvais le RC16 finalement.   Par contre tout d’un coup je déchante : on m’a  fait signe que je suis le prochain, donc je largue  tout, marche arrière,  j’accélère un peu et là … teuf  teuf  teuf CALE !!!

Je saute vite fait sur le démarreur,  je m’y acharne meme à tel point que la batterie commence à faire un peu la tronche, mais rien n’y fait. Finalement en vérifiant le niveau de gas-oil,   je me rends compte que le bouchon est à peine vissé et le réservoir à sec. Il y en a un qui devait trouver la pompe  trop loin. Depuis le temps que je pensais à changer ce bouchon de réservoir, il va falloir que je fasse plus que d’y penser. Heureusement j’ai toujours une vingtaine de litres en réserve à bord donc : plein, purge et …vroom çà repart et cette fois direction la grue.

 

 Et là,  j’ai la deuxième surprise du jour (voir la photo ci-contre) et je comprends pourquoi on disait qu’il n’y avait plus de coquillages à Locquirec : ils étaient tous collés sous mon bateau !!! Pas le moindre cm? immergé épargné2 cm de balanes. Je comprends pourquoi le dernier trajet Locquirec-Morlaix et en particulier la remontée de la rivière m’avaient parus si lents. En juillet j’avais pourtant, comme tous les ans, fait un peu de nettoyage pour être tranquille pour la saison, donc ces bébetes se sont installées en à peine trois mois. Heureusement les quelques mois d’hivernage en eau douce on fait leur effet et en peu de temps tout ce petit monde se retrouve par terre. D’ailleurs, à ce sujet (comme pour la mise à nu du gelcoat)  les grattoirs à lame de tungstène sont vraiment très efficaces.  

 

 

 

En quelques heures de grattage (ou il n’y a rien à gagner à part une bonne suée) toutes les traces de coquillages et d’anti-fouling ont disparu.

Maintenant il reste à préparer la coque pour son lifting : mastiquer la moindre petite rayure du gelcoat, attendre que çà sèche, poncer, rincer, re-mastiquer les oublis, re-attendre que çà sèche, re-poncer, re-rincer, …

Tout çà fait 3 ou 4 bonnes journées de boulot (à 3). 

Heureusement, il y a du remontant à bord de la vedette là !!!

En tout cas cette opération m’a aussi permis de me rassurer sur un truc qui me hante toujours un peu : pas la moindre trace de cloque qui pourrait signifier « osmose » !!!    

Entre nous, en fait je ne crois pas beaucoup à l’osmose sur nos canotes comme d’ailleurs pour  un certain nombre d’autres bateaux de cette époque ou la qualité de fabrication était différente. J’ai fait partie d’un club de canoë-kayak et voile ou nous fabriquions nous-memes une bonne partie de nos bateaux (optimists, yoles, …) et quand par économie (ou par erreur) on tirait un peu sur les quantités dans les dosages ou on ne respectait pas bien les temps entre les étapes de stratification, il n’y avait besoin d’attendre des années pour voir apparaître ces cloques.  

 Après ces heures de re-ci et de re-çà (et de re-montant !!) on voit enfin l’effet de nos efforts  la coque est bien lisse et n’attend plus que la peinture. Et là, l’attente va etre longue car entre les « trop de vent », « pas assez chaud », « trop d’humidité », j’ai bien cru que j’allais passer l’été à admirer mon bateau au sec.

La quille (fonte) ne subira pas de traitement particulier : après bien des avis, je me range à celui selon lequel la fonte étant un métal poreux, il est préférable de ne pas faire de traitement qui l’empecherait de « transpirer »  et provoquerait plus de problèmes qu’autre chose.

En attendant, non pas que la mer monte, mais que les conditions soient réunies pour avoir enfin le plaisir de voir une coque rajeunie, j’en  profite pour faire remplacer mes filières qui commençaient à donner des signes de faiblesse.  

 

  
 

Et puisqu’on est dans la rénovation, je profite d’une promo chez Leroy-Merlin pour acheter des lames de bankirad, normalement prévues pour faire des terrasses, mais qui sciées dans le sens de la longueur vont faire de très bonnes lattes pour remplacer celles du cockpit qui commencent à etre bien fatiguées.   (c’est vrai que j’aurais pu balayer et faire un peu de rangement avant de prendre la photo !)

 

 Au tout début juillet les conditions sont enfin réunies et l’opération peinture peut commencer.  

 

Voici donc le résultat de la peinture : 

     

        

                              Et avec l'antifouling c'est encore plus beau  :

            

 

  Il y a un bon mois que je devrais avoir quitté le port (mon forfait hivernage va du 1er octobre au 31 mai et on est le 6 juillet !!) et meme si à Morlaix ils sont sympas (je ne serai pas facturé pour ce mois de rabe) je voudrais bien aussi essayer ma nouvelle coque. J’annonce donc à la capitainerie mon départ pour le lendemain.

 

Je leur annonce par la meme occasion qu’ERGWEVAL est devenu TREMAN’INIS (ce qui veut dire  en Breton"vers les iles") 

 

Je fais le plein de gas-oil et aussi de la vache à eau (notez le bien, çà a son importance pour la suite). Eh bien,  le lendemain … ben …  on ne part pas !!!   Oui,  on ne  part pas because  en jetant un oeil au moteur, je me rends compte que du gas-oil gicle à travers la tresse de la durite qui alimente la pompe. Donc, arret moteur, démontage de la coupable et maintenant la question est : ou trouver une pièce pour un moteur vieux de 28 ans ? Décidément, les vacances s’annoncent  mal.   Avant d’aller me jeter un (deux ?) petit jaune à la maison  pour bien préparer la chasse à la durite, je passe à tout hasard chez mon mécano habituel. Il ne fait pas les bateaux mais on ne sait jamais, un moteur c’est toujours un moteur et il saura peut-etre me donner quelques pistes, et quand je lui explique mon problème : « viens par là, je te refais çà  tout de suite ». Et pour 15 euros je suis sauvé !   Remontage, démarrage, tout est OK.Le lendemain matin nous sommes donc dans l’écluse pour aller enfin gouter (du moins c’est ce qu’on espère)  la récompense de nos efforts  

                                 En attendant que le niveau baisse. 

 

                                                La voie est libre !!! 

                                             

                                       Au milieu c’est plus sur...

 

 

Les 4 miles de  descente de la rivière se font tranquillement, la seule chose à faire est de respecter les alignements,  car autrement gare à la vase !! Et je sais de quoi je parle, j’y ai gouté (façon de parler) et quand t’es planté là dedans t’es pas dans la m…  Y’a intéret à ce que la mer monte encore un peu car sinon tu y restes pour un moment.

 

                                                  Traversée du mouillage de Loquénolé.

 

En attendant, on goute déjà aux bienfaits du masticage et du  ponçage car on tient les 5 noeuds sans forcer sur les gaz.   Nous sommes maintenant à l’embouchure, les dernières bouées balisant la rivière sont passées et, çà tombe bien, le vent commence à se lever. Nous hissons la grand voile, déroulons gégène et stoppons le RC16 (enfin le silence !) et malgré un vent encore un peu faiblard, nous tirons des bords au dessus des parcs à huîtres à 4 ou 5 noeuds.   Maintenant, le vent se lève vraiment et gégène a tendance à jouer les chaluts de temps en temps et le speedo se ballade entre 7 noeuds et 7,5 noeuds quelques fois meme un peu au dessus.  

Tout çà creuse un peu l’appétit et quand mon équipière favorite s’engage dans la descente arrive la question qui tue :

- C’est quoi  cette eau ? Rapide coup d’oeil à l’intérieur : les planchers ne flottent pas mais n’en sont pas loin et baignent dans une eau d’une couleur indéfinissable le tout assorti d’une vague odeur de gas-oil. Ce mélange bizarre ne semble pas etre salé mais peut-on trouver le gout de quelque chose à ce truc infâme ? Moteur en route pour aider à pomper nous en vidons quelques seaux mais on dirait qu’il en revient toujours et çà a l’air de venir du compartiment moteur.    Donc arret de celui-ci et  je suis bon pour une partie de spéléo dans mon coffre préféré et avec la mer comme elle est maintenant çà ne m’enchante guère de descendre la dedans la tete la première mais quand il faut, n’est ce pas …      Virement de bord pour commencer et puis spéléo qui finalement  ne donne rien, pas la moindre trace d’eau. Mais une bonne nouvelle quand meme, l’eau n’a plus l’air d’arriver ce qui laisserait penser que le moteur est le coupable.  

Nous finissons notre périple vers Locquirec (tout en surveillant le niveau de l’eau à l’intérieur) avec un vent assez musclé et une mer parfois impressionnante quand nous passons sur certains hauts fonds déjà pas très sympas par temps calme

 

Ayant des doutes sur le moteur, nous prenons le corps mort à la voile (il y a un moment que je n’avais pas joué à çà !) et en attendant la prochaine marée haute pour amener Treman’inis dans le port et l’échouer contre le quai, nous  allons nous remettre de nos émotions à notre terrasse favorite en espérant que demain il n’y aura pas simplement un mat qui dépassera de l’eau, ce qui est peu probable car le niveau d’eau à l’air stable.

Un p’tit coup de zoom aurait été bien !!.... (Il est au milieu)

 

                                           Treman’inis bien appuyé contre son quai  favori

 

 Le lendemain j’amarre donc Treman’inis dans le port et en attendant qu’il s’échoue  contre le quai je me lance à faire un peu de rangement car la veille nous avons quitté le bateau un peu vite. Et là, je découvre et comprends enfin ce qui s’est passé : la vache à eau (je vous l’avais dit plus haut que çà avait son importance !) est pratiquement vide alors que je l’avais remplie avant le premier départ raté. En appuyant dessus je me rends compte qu’elle est percée mais ne comprends pas tout de suite pourquoi l’eau n’est pas restée dans le coffre puisque celui-ci ne communique nulle part … ou du moins n’a pas l’air de communiquer car en fait le tuyau qui va de la vache à eau jusqu’à la pompe de l’évier passe par un trou dans le contre moule. Lorsque le bateau gîtait sur babord, l’eau passait par ce petit trou puis par un autre vers l’arrière pour finalement revenir par le compartiment moteur en récupérant au passage un peu de gas-oil qui avait giclé il y a deux jours et que je n’avais sans doute pas épongé complètement. Par contre,  quand il gîtait sur tribord l’eau restait dans le coffre et c’est pourquoi après notre dernier virement de bord ou nous sommes passés babord amure le niveau d’eau s’est stabilisé. Tout ceci étant réglé, et rassurés sur l’état du bateau, nous nous sommes régalés à plusieurs reprises et avons pu apprécier les plaisirs d’une carène bien refaite et notamment lors d’un duel très serré avec un beau plan Pouvreau de 11 mètres (Bigoud Créole, un nom qui figure souvent en bonne place dans les classements des courses) qui à la surprise de son skipper a eu bien du mal à nous mettre quelques mètres dans la vue (il avait quand meme un ris dans la grand voile). Quand on dit qu’une carène bien lisse c’est un bon demi noud de gagné, j’ai l’impression que c’est bien plus que çà (ou alors ce sont des réactions différentes au niveau du bateau) car j’ai souvent eu l’impression d’avoir carrément un autre bateau entre les mains.   Une nouvelle  facétie du RC16 (plus de gas-oil au niveau des injecteurs) m’a retardé de 15 jours mais maintenant Treman’inis est revenu à Morlaix pour passer l’hiver ce qui devrait me permettre cette fois de m’attaquer au gréement et à la réfection de l’intérieur.   Alain Treman’inis